La suite de notre tour d’horizon du cinéma chilien débuté ici : https://www.patagonie.carnetsdepolycarpe.com/2020/09/30/le-cinema-chilien-premiere-partie/. Les réalisateurs et réalisatrices évoqué(e)s dans cette deuxième partie sont né(e)s pour la plupart pendant la dictature de Pinochet ou peu de temps avant et n’ont pas subi le traumatisme du coup d’état, sinon de façon indirecte, par leur héritage familial. Ils et elles ont commencé leur carrière cinématographique après le retour de la démocratie et leurs centres d’intérêt diffèrent forcément des préoccupations de la génération précédente. Les questions de genre et de liberté individuelle prennent le pas sur les questions sociales et politiques, même si celles-ci sont encore posées -bien que de façon plus désabusée- par des réalisateurs comme Almendras, Huaquimilla ou Sepulveda. Les femmes, absentes de notre sélection précédente, accèdent enfin à la réalisation et jouent un rôle important dans le cinéma chilien, comme Marcela Said pour ne citer qu’elle. A l’instar de leurs homologues argentins, certains réalisateurs et réalisatrices affichent leur homosexualité de façon militante, dans un pays encore largement imprégné de machisme. Tous les films présentés ici sont postérieurs à l’an 2000.
Alejandro Fernandez Almendras (né en 1971)
Almendras a fait des études de journalisme à l’Université du Chili puis est parti compléter son cursus à la New School University, à New York où il est resté pendant dix ans. Entre 2003 et 2009 il a réalisé plusieurs courts-métrages qui ont été remarqués dans plusieurs festivals. En 2007 il est rentré au Chili et a réalisé deux ans plus tard son premier long-métrage.
Huacho 2009
Huacho est le premier long-métrage d’Almendras. Ce film, qui pourrait être un documentaire, propose au spectateur de suivre une journée ordinaire de la vie de quatre membres d’une même famille appartenant à la classe des travailleurs pauvres du Chili rural, au centre du pays. La caméra s’installe au plus près des personnages, parfois filmés en plan très serré et nous montre successivement la grand-mère, qui peine à vendre ses fromages aux automobilistes pressés et exigeants, la mère qui se débat au jour le jour pour gérer un revenu insuffisant, le fils confronté dans son école citadine à l’indifférence voire au mépris de ses condisciples plus aisés et enfin le grand-père, travailleur agricole qui voit décliner ses moyens physiques. La portée sociale et politique du film d’Amendras vient de la subtilité du récit : rien n’est appuyé, le réalisateur évite le piège du didactisme ou du manichéisme. Les contrastes sociaux sont cependant rendus éclatants par l’alternance de décors contrastés : le foyer familial, observé dans la pénombre (accentuée par une coupure d’électricité), les vitrines lumineuses et les rues animées de la grande ville de Chillan (ville natale du réalisateur), la campagne déserte de la Vallée Centrale. Les visages des protagonistes, souvent cadrés en gros plan, possèdent une singulière beauté que leur procure la dignité de leur attitude face à l’humiliation Le directeur de la photographie, Inti Briones, a travaillé (entre autres) avec Raul Ruiz, Cristian Jimenez et José Luis Torres Leiva. Huacho a obtenu le prix du meilleur film au festival de Vina del Mar en 2009.
Tuer un homme (Matar a un hombre) 2014
Comme il est rappelé au générique, ce thriller est inspiré de faits réels. Jorge est un homme ordinaire, diabétique et taciturne ; il vit avec sa femme Maria, son fils Jorge et sa fille Nicola dans une maison modeste de la banlieue de Tomé, une petite ville située sur la côte, au sud de Santiago et travaille comme garde forestier dans les collines. Un soir, de retour du travail, il se fait racketter par une bande de petits voyous mené par Kalule, le caïd du quartier ; peu de temps après son fils se fait tirer dessus. Kalule est brièvement emprisonné et le couple de Jorge se désagrège. A à sa sortie, Kalule et sa bande, par esprit de vengeance, harcèlent Jorge et sa famille avec une violence croissante, en toute impunité. Devant l’incurie de la justice et l’inaction de la police, Jorge ne voit plus qu’une solution pour arrêter la descente vers l’enfer. Mais il est difficile de tuer un homme lorsque l’on n’est ni violent ni psychopathe. Le film a reçu le Grand prix du festival de Sundance et Almendras a été récompensé de la Catalina de oro du meilleur réalisateur au festival de Carthagène en 2014. Le directeur de la photographie est encore Inti Briones.
Niles Attalah (né en 1978)
Rey 2017
Lointainement inspiré par l’épopée d’Orélie-Antoine de Tourens, le Français autoproclamé roi de Patagonie au XIXe s., Rey est surtout un film expérimental dans lequel le réalisateur (chilien et étatsunien) triture les images autant que le son et maltraite (au sens propre) sa pellicule 16 mm pour générer une rêverie psychédélique autour de son personnage, à qui il donne une dimension quasi-christique (ce dont témoigne l’affiche du film).
Pour en savoir plus sur le réalisateur :
German Berger Hertz (né en 1972)
German Berger Hertz est le fils de Carmen Hertz, avocate, femme politique de gauche et de Carlos Berger Guralnik, également avocat et militant communiste, qui fut assassiné par les fascistes en 1973. Il a suivi des études de cinéma au Centre d’études cinématographiques de Catalogne. Journaliste et documentariste, il a travaillé pour la télévision et le cinéma. En 2015, il fut nommé directeur de la Secom (Secrétariat des Communications du gouvernement). Il enseigne à l’Université du Chili.
Mi vida con Carlos 2009
German Berger a réalisé ce long-métrage documentaire en hommage à son père, arrêté par la junte en septembre 1973, détenu à Calama puis assassiné au mois d’octobre suivant avec d’autres prisonniers politiques. Leurs corps ont été dissimulés par l’armée. En 1990, la fosse où ils avaient été jetés a été retrouvée sur la route de San Pedro de Atacama. 18 des 26 victimes ont pu être identifiées, dont Carlos Berger. Mi vida con Carlos raconte cette histoire du point de vue familial. Le film a reçu le Colibri d’or aux 12e rencontres du Cinéma Sud-Américain à Marseille en 2010.
Pour en savoir plus sur le film :
Matias Bize (né en 1979)
Matias Bize a reçu le Goya du meilleur film ibéro-américain en 2011 pour La Vie des Poissons (La Vida de Los Peces).
Au lit (En la cama) 2005
Un homme (Bruno) et une femme (Daniela) qui viennent de se rencontrer dans un café, entrent dans un motel de Santiago pour y passer une nuit d’ébats sexuels. Ils vont en réalité échanger des confessions et se dévoiler l’un à l’autre par la parole. Il s’agit évidemment d’un film intimiste, voire minimaliste, qui tire sa valeur du jeu des acteurs et de la qualité des dialogues. A la direction de la photographie, ont travaillé Gabriel Diaz (la Sagrada Familia de Lelio) et Cristian Castro.
Alex Bowen (né en 1967)
Mi mejor enemigo 2005
Le film traite d’un épisode peu connu de l’histoire récente sud-américaine : le conflit armé entre l’Argentine et le Chili à propos de la Patagonie, en 1978. Un groupe de soldats chiliens se perd dans la pampa et s’enterre dans les tranchées dans l’attente de l’ennemi. Le thème des frères ennemis n’est pas sans évoquer l’épisode de la Première Guerre Mondiale contée par le film français de Christian Carion sorti par coïncidence la même année, Joyeux Noël. Mi mejor enemigo est produit par l’argentin Pablo Trapero (https://www.patagonie.carnetsdepolycarpe.com/2020/01/26/le-second-nuevo-cine-argentin/). Il a été récompense d’un Colibri d’or aux 8e rencontres du cinéma sud-américain à Marseille et d’un Pudu d’argent au Festival International du Cinéma de Valdivia (FICV).
Théo Court (né en 1980)
Théo Court est né à Ibiza de parents chiliens et a passé son enfance en Espagne où il a suivi des études de photographie. Il est retourné au Chili en 2000 pour suivre des études de cinéma à l’Université ARCIS (Universidad de Arte y Ciencias Sociales) de Santiago et fut diplômé en 2004 de l’Escuela Internacional de Cine y Television de San Antonio de Los Baños à Cuba (EICTV) ; son court-métrage de fin d’études fut sélectionné au festival de Cannes de 2005. Il réalisa son premier long-métrage, Ocaso, en 2010. Il enseigne à l’Escuela de Cine du Chili.
Pour en savoir plus sur Théo Court :
Blanc sur blanc (Blanco en blanco) 2019
A la fin du XIXe s., un photographe (Alfredo Castro, l’acteur fétiche de Pablo Larrain) se rend en Terre de Feu avec une jeune fille qui doit épouser un grand propriétaire d’estancia et dont il doit photographier le mariage. Séduit par la jeune fille, il commet une faute qui lui vaut l’exil au milieu des indiens Onas, dont l’extermination est en marche.
Fernando Guzzoni (né en 1983)
Jesus – petit criminel (Jesus) 2016
Jesus est un très jeune homme appartenant à un type de génération mondialisée dont il partage tous les attributs : hyper-connexion, look androgyne, sexualité tous azimuts, recherche de l’ivresse sous toutes ses formes, égocentrisme, ennui. L’incompréhension est forcément totale avec son père veuf, qui a connu la difficulté des années de dictature. Les rapports père-fils basculent après le meurtre d’un jeune homosexuel. Le premier long-métrage de fiction de Guzzoni (Carne de perro, 2012) avait bénéficié d’une bourse de résidence en France du festival de Cannes.
Claudia Huaquimilla (née en 1987)
Claudia Huaquimilla a fait des études de cinéma à l’Université Catholique du Chili (PUC). Son travail de cinéaste est fortement influencé par ses origines Mapuche.
Mala junta 2016
Le film est centré sur le personnage d’Alejandro (dit Tano), un adolescent révolté qui vivait chez sa mère, à Santiago et qui s’est fait arrêter pour vol. En dernier recours avant l’internement en centre de détention pour mineurs, il est envoyé chez son père Javier, un garagiste qui habite une maison dans les collines près de la bourgade de Mariquina, au nord de Valdivia. Il va progressivement s’y lier d’amitié avec le fils d’une voisine que fréquente son père, Cheo, un jeune Mapuche ostracisé par les jeunes du lycée à cause de ses origines. Car l’autre sujet du film, c’est la lutte du peuple Mapuche pour le respect de sa culture et de ses valeurs face au viol de la nature perpétré sous prétexte de modernisme. Les plans sur la gigantesque usine de cellulose et sur les coupes claires effectuées dans la forêt viennent en contrepoint des scènes où Alejandro et Cheo se retrouvent autour d’un vieux pommier isolé au milieu d’une clairière et où ils apprennent l’un de l’autre. Le film s’inspire de situations et d’évènements réels : en 2013 le militant Mapuche Rodrigo Melinao a été tué par balles. L’usine de Mariquina, créée en 2004, appartient à la CELCO, une compagnie privatisée sous Pinochet et qui fait partie de la holding pétrolière COPEC ; suite à l’installation de l’usine, la pollution des eaux de la rivière voisine a décimé la population de cygnes à tête noire vivant dans la réserve naturelle située en aval (http://mapuche.free.fr/articles/martin.html).
Cristian Jimenez (né en 1975)
Ilusiones opticas 2009
Jimenez nous introduit dans deux microcosmes parallèles dont il souligne les aspects absurdes : un centre commercial, vu de l’intérieur à travers l’œil des vigiles et une clinique privatisée (VidaSur), spécialisée dans la chirurgie esthétique mais qui connaît une mauvaise passe et licencie ses plus vieux employés. Ces deux mondes sont reliés par le réseau des liens familiaux ou relationnels qu’entretiennent les différents protagonistes du film, appartenant à l’un ou l’autre monde : l’apprenti-vigile Rafael Gajardo (que ses relations s’obstinent à appeler Guajardo, du nom d’un fameux narco mexicain), sa sœur Manuela, secrétaire à VidaSur et dont tombe amoureux David, un ingénieur licencié de VidaSur et dont le fils Samuel est en pleine crise de judaïté, Gonzalo, ami de David et cadre de VidaSur, Rita, la femme de Gonzalo, une bourgeoise kleptomane qui va séduire Rafael par ennui, Juan, un masseur qui vient de retrouver la vue et sa compagne Rosita, masseuse aveugle employée par VidaSur.
Dans une succession de saynètes brillamment photographiées par Inti Briones, le réalisateur observe ses personnages avec un œil sarcastique. Les illusions sont celles qu’entretiennent les protagonistes du film : Rafael se méprend sur sa relation avec Rita, David croit que Manuela a des sentiments pour lui, celle-ci pense que la chirurgie esthétique va changer sa vie ; quant à Juan, personnage-pivot du film dont il justifie le titre, il s’aperçoit que l’opération qui lui a rendu la vue, loin de le combler, l’amène à regretter sa cécité passée. Rita est interprétée par Valentina Vargas, connue des spectateurs français par son rôle dans Au nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, Alvaro Rudolf ( qui joue dans Tierra del fuego) interprète Gonzalo. Eduardo Paxeco -qu’on retrouve dans Ema de Larrain- joue le rôle de Rafael. Le rôle de David est tenu par Gregory Cohen, un acteur qui est également scénariste et réalisateur. Paola Lattus, qui incarne Manuela, a tourné avec Pablo Larrain, Dominga Sotomayor, Marcela Said, Sebastian Lelio, entre autres. Le scénario a été co-écrit par Jimenez et Alicia Scherson. Le tournage s’est déroulé à Valdivia et à Antillanca, station de ski de la province de Los Lagos. A noter, un caméo du réalisateur dans le rôle d’un médecin.
Bonsai 2011
Divisé en six chapitres alternant entre le présent et un passé vieux de huit ans, le film de Jimenez, adapté d’un roman éponyme d’Alejandro Zambra, propose une réflexion sur la littérature. Bonsai, c’est le titre que le héros du film, Emilio, un apprenti écrivain quelque peu indolent qui vit de diverses taches intellectuelles, donne à un roman inédit que lui aurait confié pour réécriture un écrivain chilien réputé ; en réalité ce job lui a échappé mais Emilio cache cet échec à sa compagne occasionnelle et entreprend de rédiger lui-même le pseudo-manuscrit, à partir d’une métaphore assez oiseuse que lui a confié cet auteur (le bonsaï symbolisant l’amour cultivé par deux personnages). Dans ce récit apocryphe, Emilio va transposer sa propre autofiction, dominée par une histoire d’amour ancienne –dont le narrateur dévoile la fin tragique dès les premières secondes du film. La littérature est omniprésente au long du film, que ce soit sur les bancs de l’Université, sur les rayonnages des bibliothèques et des librairies que fréquente Emilio ou encore dans des séances de lecture vespérale étroitement liées aux séances de sexe avec son ancienne petite amie et qui convoquent –entre autres- Marcel Proust (auteur décidément populaire chez les réalisateurs étrangers). Une séquence astucieuse illustre malicieusement l’imprégnation physique du héros par la littérature. Bonsai a été tournée à Valdivia. Le directeur de la photographie est Inti Briones.
Pablo Larrain (né en 1976)
Issu d’une famille bourgeoise (son père était professeur de droit et sénateur de droite et sa mère fut ministre), Pablo Larrain a étudié la communication audiovisuelle à l’Université de Santiago. En 2003 il a fondé une société de production avec son frère Juan ( https://fabula.cl/), ce qui lui confère une influence notable sur le jeune cinéma chilien. Sa carrière de réalisateur connaît une progression rapide : son premier long-métrage sort en 2006 ; en 2008 son deuxième long-métrage, Tony Manero, est présenté dans les festivals internationaux et nominé aux Oscars. Il accède au marché hollywoodien en 2016 avec Jackie, un biopic sur Jackie Kennedy. Son dernier film, Ema, a été présenté au 44e festival international du film de Toronto ; il traite, à l’instar du dernier film de l’argentin Carlos Sorin (https://www.patagonie.carnetsdepolycarpe.com/2020/01/12/les-realisateurs-argentins-de-la-nouvelle-vague/) mais de façon bien différente, du thème de l’adoption.
Tony Manero 2008
Dans ce film sombre et dérangeant, Larrain expose sa vision noire –voire misanthropique- de l’humanité, sur le ton qu’on retrouvera dans El Club. Nous sommes en 1979, sous Pinochet, deux ans après la sortie du film Saturday night fever et un an après le conflit du Beagle entre le Chili et l’Argentine. Dans une ville décrépite et chaotique, perpétuellement placée sous la menace des rafles des policiers et des militaires, vivote une petite troupe minable de danseurs amateurs, constituée essentiellement par une famille « tuyau de poêle ». Leur danseur vedette est fou du disco et en particulier de John Travolta (alias Tony Manero dans le film précité) qui apparaît en abyme dans plusieurs scènes. Ce personnage central, qui rêve d’égaler son héros, s’avère aussi être un redoutable sociopathe narcissique, prédateur sans scrupules qui s’empare sans barguigner de ce(lles) dont il a besoin et qui se débarrasse pareillement de ce(ux) qui l’encombre(nt). La profonde solitude des personnages est exprimée de manière crue par des séquences assez fortes où les protagonistes échouent à fusionner charnellement et cherchent leur plaisir parallèlement. L’usage de la caméra à l’épaule introduit le spectateur au cœur de l’action (le directeur de la photographie n’est autre que Sergio Armstrong, un des meilleurs chefs-opérateurs latino-américains). L’interprète principal, dont le jeu et l’allure font irrésistiblement penser à Al Pacino, est l’acteur fétiche de Larrain, Afredo Castro. Le rôle féminin principal est tenu par Amparo Noguera, épouse de l’acteur Marcelo Alonso. Le rôle de sa fille est tenu par Paola Lattus, qui joue des personnages secondaires dans Bonsai de Jimenez et dans El Club de Larrain où elle retrouve Alfredo Castro.
Santiago 73 post mortem (Post mortem) 2010
Alfredo Castro est de nouveau le personnage principal de ce film, dans lequel il incarne Mario Cornejo, un vieux garçon solitaire, un peu neurasthénique, un peu maniaque, qui occupe un poste de modeste fonctionnaire à la morgue de Santiago et habite une petite maison de la rue Tulipanes, dans le quartier San Eugenio. Il s’entiche de sa voisine, Nancy Puelma -Antonia Zegers, la compagne de Pablo Larrain de 2006 à 2014- une danseuse de cabaret qui est tout son contraire : extravertie et fantaisiste. Ils entament pourtant une relation, au moment même où le Chili bascule dans le drame, en septembre 1973. Alors que l’hôpital où travaille Mario passe sous le contrôle des militaires et que la morgue voit arriver le cadavre du Président Allende, bientôt suivi de dizaines de victimes anonymes, chacun devra faire face à des situations dramatiques : Nancy, qui est pourchassée à cause de ses amitiés, Mario, sa collègue Sandra Carreño (incarnée par Amparo Noguera) et leur patron, le Dr Castillo (Jaime Vadell), qui sont tous trois enrôlés par l’armée dans le traitement expéditif des cadavres. Là encore, en dépit d’un geste humanitaire de Mario et de Sandra, le drame sera surtout le révélateur des penchants sombres de l’âme humaine. Le film est au format cinémascope ; le directeur de la photographie est Sergio Armstrong, qui use ici de cadrages décalés, suggérant l’action plutôt que de l’exposer et enfermant les personnages dans des cadres étriqués. Les couleurs blafardes, obtenues par l’usage d’objectifs spéciaux, soulignent la morbidité de l’atmosphère. Le film se termine par un plan fixe long de près de 6 minutes. Ces choix participent d’un certain maniérisme dont on a pu faire reproche à Larrain. On retrouve le duo Castro-Zegers dans Mariana de Marcela Said. Post Mortem a reçu la Catalina de oro du meilleur film au festival de Carthagène en 2011.
No 2012
En 1988 le général Pinochet est contraint, par la constitution qu’il a lui-même instituée, d’organiser un référendum sur la prolongation de son mandat jusqu’en 1997. Le film, tiré d’une pièce de théâtre (« El Plebiscito » d’Antonio Skarmeta, l’auteur qui a inspiré aussi « Il Postino » de Michael Radford), relate le combat inégal, par spots de campagne électorale interposés, entre deux équipes de communicants : du côté du Non les dirigeants politiques de l’ensemble des partis de gauche et du centre, les intellectuels, les artistes et des publicitaires, dont le héros du film, René (joué par Gael Garcia Bernal, l’acteur mexicain qui incarnait le jeune Ernesto Guevara de Carnets de voyage), du côté du soutien au pouvoir le Ministre de l’Intérieur, des officiers, des barbouzes, des communicants et le propre patron de René, Lucho, joué par l’acteur Alfredo Castro qui était le héros de Tony Manero et de Post mortem. Au-delà du combat personnel entre les deux experts en communication, se joue l’opposition entre deux mondes : l’ancien, représenté par des hommes mûrs et compassés en costume austère et le nouveau, celui de la jeunesse, avide de liberté, de mobilité (représentée par les séquences de skate qui ouvrent et clôturent le film) et de modernité (symbolisée par l’arrivée du micro-ondes dans les foyers chiliens). Ainsi c’est plus deux modes de vie que deux idéologies qui sont opposées par Larrain. C’est peut-être ce qui confère au film une certaine ambigüité politique : le spectateur, à l’instar de l’ex-compagne de René- ne saisit pas très clairement les motivations du héros contre un système dont il profite largement, comme le lui rappelle d’ailleurs son patron. Le film interroge aussi sur le pouvoir des images, leur manipulation et la confrontation (dans les deux camps) entre l’idéalisme politique et le réalisme dans un contexte nouveau, où le règne de l’audiovisuel a cassé les anciens codes. Utilisant quelques images d’archives tout en faisant jouer leur propre rôle à certains protagonistes, Larrain a tourné son film comme un documentaire, à l’épaule, avec des caméras à tube au format 4:3 (qui est celui de la télévision), dans un souci de réalisme ; l’usage fréquent des contrejours –allant jusqu’à la surexposition- et des zooms en gros plans renforce cet effet. Gael Garcia Bernal est l’ancien compagnon de l’actrice argentine Dolorez Fonzi. Le rôle de l’ex-femme de René est joué par Antonia Zegers.
Pour en savoir plus sur le film :
- Pablo BERCHENKO : Pensée et discours politique dans le film No de Pablo Larrain, Cahiers d’études romanes, 2015, n°30, p. 399-417. (https://journals.openedition.org/etudesromanes/4942)
- Dominique CASIMIRO et Arnaud DUPRAT : Regards sur No de Pablo Larrain. Presses Universitaires de Rennes, 2017, 128 p.
El Club 2015
Le titre du film désigne ironiquement la petite communauté formée par quatre prêtres que l’église catholique a exilés dans une maison isolée du bord de mer, où ils sont servis par une religieuse qui porte également le poids d’une faute passée. Leur principale occupation est l’élevage de chiens de course. L’équilibre fragile de leur accommodement est rompu par l’arrivée d’un prêtre enquêteur puis d’un marginal jadis abusé par l’un des occupants de la maison. Le rôle de la religieuse est tenu par Antonia Zegers, l’ex-compagne de Pablo Larrain qui joue dans la plupart de ses films. Parmi les acteurs masculins, figurent Alfredo Castro, acteur fétiche de Pablo Larrain, Jaime Vadell, qu’on a vu dans Post mortem et Alejandro Sieveking. Sergio Armstrong, le chef opérateur de Tony Manero et de No, a dirigé la photo sur ce film, où règnent souvent une pénombre symbolique et des couleurs à la Tarkovski. Le film a été tourné à La Boca, au sud de Valparaiso ; il a reçu le grand prix du jury au festival de Berlin en 2015.
Neruda 2016
Larrain s’exerce ici à l’art du biopic, entreprise dans laquelle il récidivera peu de temps après –sur un ton plus conventionnel- avec Jackie, son premier film hollywoodien (grâce à l’aide de Darren Aronofsky) et le premier à atteindre le demi-million d’entrées. Le réalisateur s’attache ici à un épisode ancien et peu connu de la vie du poète chilien Pablo Neruda qui, dans l’immédiat après-guerre, est élu sénateur et rejoint les rangs du parti communiste. En 1948, avec le début de la Guerre froide, le président radical Gabriel Videla (Alfredo Castro), pourtant élu grâce au soutien du parti communiste, se retourne contre ses anciens alliés et pourchasse les communistes, à la demande des Etats-Unis. Neruda (interprété par Luis Gnecco, qui jouait dans No) entre en résistance et devient une menace pour le régime qui –dans le film- lance à sa poursuite l’inspecteur Oscar Peluchonneau (Gabriel Garcia Bernal, l’acteur principal de No, passé cette fois de l’autre côté de la barricade) ; les deux protagonistes se livrent alors au jeu du chat et de la souris, tandis que le poète, accompagné de son épouse (jouée par Mercedes Moran, qu’on a pu voir dans La Nina Santa de Lucrecia Martel et dans Agnus Dei de Lucia Cedron) compose son Canto General sur le chemin de l’exil. Le récit est présenté par Peluchonneau, en voix off. Le film brouille les pistes en entremêlant réalité historique et fiction pure et en soulignant les ambigüités et les contradictions de l’écrivain et de son adversaire : chez Larrain, il n’est pas de héros, seulement des individus avec leurs faiblesses et leurs compromissions. Comme dans No, le duel prend un caractère presque métaphysique, où chacun cherche à affirmer sa propre existence par la confrontation, quitte à effacer la frontière entre fantasme et réalité. C’est toujours Sergio Armstrong qui a dirigé la photographie.
Pour en savoir plus sur le film :
- Vania BARRAZA TOLEDO : Reviewing the Present in Pablo Larrain’s Historical Cinema, Iberoamericana, t. XIII, n°51, p. 159-172. https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=16&ved=2ahUKEwjdm4y8jKjiAhXFyIUKHUmQDQQ4ChAWMAV6BAgAEAI&url=https%3A%2F%2Fjournals.iai.spk-berlin.de%2Findex.php%2Fiberoamericana%2Farticle%2Fdownload%2F230%2F71&usg=AOvVaw3Csd9BWEr0emr_q_-JsxDH
Ema 2019
Pablo Larrain est attiré par les personnages déviants, comme le danseur meurtrier de Tony Manero ou les prêtres pédophiles d’El Club. Ici, c’est une danseuse de Valparaiso, Ema, qui est le pendant féminin de Tony Manero. L’époque a changé : la dictature a disparu, Ema représente la jeunesse et la modernité, le reggaeton a remplacé le disco mais Ema, bisexuelle, pyromane et quelque peu incestueuse, montre le même affranchissement de toute règle sociale et la même absence d’empathie que Tony Manero, ne montrant aucun scrupule à manipuler son entourage pour parvenir ses fins : récupérer Polo, l’enfant qu’elle avait adopté avec son mari Gaston -le chorégraphe de sa troupe- puis qu’elle avait abandonné. Comme dans ses films précédents, Larrain ne cherche pas à susciter l’empathie –ni même le mépris- du spectateur pour ses personnages, fussent-ils odieux ; tel un entomologiste, il se contente de les observer, fasciné. Le spectateur peut avoir quelques difficultés à suivre l’intrigue, les desseins d’Ema, comme le plan qu’elle a ourdi, se révélant quelque peu tortueux. Larrain ne pratique pas le cinéma démonstratif ; d’autant plus incongrue parait la séquence où une directrice d’école (incarnée par Amparo Noguera) expose ses contradictions entre les fonctions qu’elle exerce et son aversion pour l’exercice du pouvoir. Mariana di Girolamo, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, joue Ema tandis que Gaston est interprété par un fidèle de Larrain, Gael Garcia Bernal. Le plan d’ouverture, surprenant, est d’une grande poésie. L’image du film est d’ailleurs remarquable, elle est sans surprise de Sergio Armstrong qui démontre encore une fois sa grande maîtrise. Le film est en compétition officielle à la Mostra de Venise 2020.
Sebastian Lelio (né en 1974)
Sebastian Lelio est né en Argentine d’un père argentin, qu’il a peu connu, et d’une mère chilienne. Il a passé son enfance au Chili et aux Etats-Unis. Durant plusieurs années Sebastian a porté le nom de son beau-père, Campos, avant de reprendre le patronyme de son père biologique en 2007. Il a fait des études de journalisme puis de cinéma à Santiago. Pendant une dizaine d’années il réalise des courts-métrages et des documentaires, avant de passer au long-métrage de fiction en 2005. Il a obtenu deux fois le prix Platino du meilleur film ibéro-américain pour Gloria et Une femme fantastique.
La sagrada familia 2005
Le thème du film est assez trivial : une réunion de famille qui tourne mal, le temps d’un week-end pascal, dans une confortable maison du bord de mer à Tunquen, au sud de Valparaiso. Il y a la mère, qui va assez rapidement s’absenter pour aller aider une amie en difficulté, le père, Marco, un architecte pragmatique et conservateur et le fils, également prénommé Marco et architecte comme son père mais qui possède un tempérament sensible et artistique. Le titre du film fait autant allusion à cette « trinité » qu’à l’œuvre majeure de Gaudi, à propos de laquelle se disputent les deux architectes. Quelques voisins, amis de Marcos fils, gravitent autour de ce noyau : deux jeunes étudiants en droit, dont l’un ne parvient pas à gérer son homosexualité et Rita, une muette sélective, amoureuse de Marco fils. L’accord fragile entre les différents protagonistes va être remis en cause par l’arrivée de Sofia, la petite amie de Marcos fils, une étudiante en théâtre qui s’est fixé une règle vie hédoniste. Aux croyances traditionnelles et aux habitudes classiques des parents de Marcos, elle oppose sa philosophie naïve et brouillonne de la vie, teintée d’un vague mysticisme nourri par les différentes drogues qu’elle consomme. Le père et le fils finiront par s’affronter sous le regard quelque peu pervers de Sofia qui s’amuse à les provoquer. Le film a réellement été tourné sur trois jours et le jeu des acteurs comme les dialogues ont été largement improvisés, ce qui a suscité par la suite un gros travail de montage, effectué par Lelio lui-même. Les prises de vue sont extrêmement hachées et saccadées, la caméra passant brusquement d’un personnage ou d’un objet à un autre. Le directeur de la photographie est Gabriel Diaz, qui a travaillé sur Au lit de Matias Bize.
Gloria 2013
Gloria Cumplido est une quinquagénaire divorcée et active dont les enfants se sont éloignés. Elle entretient soigneusement son apparence physique et repousse la solitude en sortant danser et draguer le soir en discothèque, jusqu’à sa rencontre avec Rodolfo Fernandez, un ancien officier sexagénaire qui possède un parc d’attractions. Ils entament rapidement une relation amoureuse, pendant qu’en arrière-plan l’agitation estudiantine secoue le pays. Mais Gloria va devoir composer avec les rapports fusionnels que Rodolfo, qui se révèle comme un homme faible, entretient avec ses propres filles. L’image que Gloria cherche à se renvoyer d’elle-même va alors se fissurer. Paulina Garcia, l’interprète de la présidente chilienne dans El Presidente et l’actrice principale de La fiancée du désert, deux films argentins, a obtenu l’Ours d’argent de la meilleure actrice au festival de Berlin en 2013 et le prix Platine de la meilleure interprète féminine en 2014 pour sa prestation. Sergio Hernandez interprète Rodolfo et le rôle de l’ex-mari de Gloria est tenu par Alejandro Goic (qui joue un des prêtres dans El Club). Le chanteur populaire Hugo Moraga tient un petit rôle dans le film ; on remarquera aussi le caméo de la réalisatrice Marcela Said. Gloria est le 4e long-métrage de Sebastian Lelio. Le directeur de la photo est le français Benjamin Echazarreta, qui a travaillé sur Navidad de Sebastian Lelio, sur Rey de Niles Attalah et sur plusieurs films français. Le film a été tourné à Santiago et Vina del Mar. Lelio a réalisé un remake américain de son propre film en 2019 : Gloria Bell, avec Julianne Moore dans le rôle tenu six ans auparavant par Paulina Garcia; l’actrice états-unienne oscarisée y donne la réplique à John Turturro.
Une femme fantastique (Una mujer fantastica) 2017
Orlando Onetto, un dirigeant d’entreprise quinquagénaire, divorcé et père de famille, et Marina Vidal, une jeune serveuse qui aspire à chanter, vivent une passion amoureuse depuis plusieurs mois déjà quand Orlando (Francisco Reyes, un des acteurs favoris de Larrain) persuade Marina d’emménager chez lui. Cependant Orlando meurt brutalement et laisse Marina désemparée, d’autant que celle-ci est une transsexuelle qui se retrouve d’emblée en butte à l’incompréhension et surtout à l’hostilité des médecins, de la police et de la famille du défunt qui ne vont lui épargner ni mépris ni humiliations. Le rôle de Marina est interprété par Daniela Vega, elle-même transsexuelle, celui du frère d’Orlando est interprété par Luis Gnecco, le Neruda du film éponyme de Larrain. On trouve au générique d’autres acteurs de Pablo Larrain : Antonia Zegers (qui joue la patronne de Marina), Alejandro Goic (le médecin de la clinique) et Amparo Noguera (dans le rôle de la commissaire de police). C’est le cinquième long-métrage de Lelio ; il est coproduit par Pablo Larrain. Le directeur de la photographie est encore Benjamin Echazarreta. Le film obtint l’Ours d’argent du meilleur scénario à Berlin en 2017, le Goya du meilleur film ibéro-américain et l’Oscar du meilleur film étranger en 2018 (le premier Oscar remporté par un réalisateur chilien).
On retrouve quatre des acteurs et actrices du film (Vega, Zegers, Noguera et Goic) dans la minisérie télévisée chilienne La Jauria (La Meute, 2019) produite par les frères Larrain.
Mauricio Lopez Fernandez (né en 1986)
Mauricio Lopez Fernandez a suivi des études à l’Université Pontificale du Chili (PUC) à Santiago. Certains le considèrent comme le « Xavier Dolan chilien », en partie en raison de sa précocité.
La Visita 2014
Basé sur son premier court-métrage, réalisé en 2004, le premier long-métrage de Lopez Fernandez présente, du point de vue du thème traité, quelques ressemblances avec Juste la fin du monde ou Laurence Anyways. Dans une grande maison bourgeoise, le mari d’une employée de maison (Coya, jouée par Rosa Ramirez) vient de décéder ; le deuil est perturbé par le retour de l’enfant du couple (interprété par Daniela Vega, l’héroïne d’Une femme fantastique). Le film a reçu le Colibri d’or aux 17e rencontres du cinéma Sud-Américain de Marseille en 2015.
Christopher Murray (né en 1986)
Le Christ aveugle (El Cristo ciego) 2016
Dans ce film contemplatif et ambitieux, le réalisateur propose une réflexion mystique sur la foi et sur la part de divinité que chacun porterait en soi, à travers l’histoire d’un jeune mécanicien, Michael, qui vit chez son père dans un village au milieu du désert d’Atacama, La Tirana. Ses voisins l’appellent « le prophète » en raison de ses penchants mystiques et de sa propension à parler par paraboles. Un jour, il apprend que son ami d’enfance Mauricio, avec qui il a vécu une expérience mystique après la mort de sa mère, est gravement blessé. Michael entreprend alors un voyage à pied à travers le désert jusqu’à Pisagua pour le retrouver et tenter de le guérir. En chemin il fait différentes rencontres, suscite l’hostilité de certains (les fidèles du sanctuaire de San Lorenzo), s’attire des amitiés (un jeune apprenti footballeur de Huara et sa mère, un ancien délinquant devenu gardien d’église) et recueille malgré lui, tout au long de son chemin, des disciples qui réclament sa bénédiction et attendent des miracles. Comme le Christ dans le désert, Michael va connaître le doute. L’image est particulièrement soignée (le directeur de la photographie n’est autre qu’Inti Briones), avec un travail singulier sur les modifications de la couleur. Les décors que constituent les constructions bancales et précaires des villages traversés par Michael dégagent une certaine poésie. La plupart des acteurs sont des autochtones qui jouent leur propre rôle. On peut reprocher la lenteur excessive de certains plans, qui nuit finalement à la concentration du spectateur et le minimalisme des dialogues, qui masque peut-être une certaine incertitude dans l’intention finale du film.
Marialy Rivas (née en 1976)
Marialy Rivas a étudié, comme Matias Bize, à l’école du Cinéma du Chili (Escuela de Cine de Chile), créée en 1995, puis à New York ; elle a travaillé dans le domaine publicitaire pour la société de production des frères Larrain avant de réaliser son premier long-métrage en 2012 (Joven y alocada, récompensé du prix du meilleur scénario au festival Sundance). Comme un certain nombre de cinéastes chiliens (Pepa San Martin, Mauricio Lopez Fernandez, Sebastian Silva), elle appartient à la communauté LGBT.
Princesita 2015
Le film, inspiré de faits réels, suit le parcours d’une fillette de 12 ans, embrigadée dans une communauté sectaire par un gourou charismatique (interprété par Marcelo Alonso, qui joue l’un des prêtres dans El Club de Larrain et qui figure aussi au générique de Santiago 73, post mortem). Sergio Armstrong, le chef opérateur de Pablo Larrain, a dirigé la photo. Princesita a été coproduit par Fabula (la société des frères Larrain) et par la société argentine Sudestada Cine.
Pour en savoir plus sur Rivas :
- Maria Jose BELLO et Marialy RIVAS : Marialy Rivas, pionnière du cinéma gay au Chili, Cinémas d’Amérique latine, 2010, n°18, p.99-101. (https://journals.openedition.org/cinelatino/1378)
Marcela Said (née en 1972)
Marcela Said a étudié à l’Université Catholique de Santiago (PUC) puis à la Sorbonne à Paris, ville où elle a travaillé avant de regagner le Chili en 2006. Elle a réalisé plusieurs documentaires politiques, souvent en collaboration avec son époux Jean de Certeau, avant de se tourner vers le long-métrage de fiction en 2013.
Mariana (Los Perros) 2017
Mariana Blanco est une grande bourgeoise chilienne de 42 ans, au caractère capricieux, ombrageuse et intransigeante, une « pauvre petite fille riche » qui possède une galerie d’art et qui entretient des rapports difficiles avec les hommes de son entourage – en particulier son père, qui l’écarte des affaires familiales et son mari, qui semble ne lui témoigner que peu d’amour. Alors qu’elle entame sans enthousiasme un traitement pour une PMA, elle tombe sous le charme de son professeur d’équitation, de 20 ans son aîné. Celui-ci est un ancien colonel taciturne qui eut un passé chargé sous Pinochet, ce qui renforce son attrait aux yeux de Mariana, qui entreprend de le séduire. En filigrane du film, outre le portrait sans fard d’une femme ambigüe en butte à l’attitude machiste d’une société dominée par les hommes, se dessine l’attitude trouble des Chiliens vis-à-vis de la dictature et de ses crimes. Le titre original (Los Perros) fait référence aux chiens pour lesquels Mariana montre une vraie passion et qui représentent une métaphore de la violence masculine. La distribution rassemble des complices de Pablo Larrain : en premier lieu sa compagne Antonia Zegers (Mariana)-dont l’interprétation n’est pas toujours convaincante- mais aussi Alfredo Castro (le colonel) et Alejandro Sieveking (le père) ; le rôle du mari est tenu par l’acteur argentin Rafael Spregelburd, qui joue dans Zama de Lucrecia Martel. Le film s’inspire d’un personnage réel –le colonel Juan Morales Salgado- que Marcela Said a rencontré lors du tournage de son documentaire El Mocito. Le tournage s’est déroulé à Santiago et sa banlieue, en particilier à Lo Barnechea. Le directeur de la photo du film, Georges Lechaptois (chilien malgré son nom) a étudié à l’école Louis-Lumière, s’est installé en France et a épousé l’actrice Sophie de la Rochefoucauld. Le montage a été assuré par Jean de Certeau, l’époux de la réalisatrice.
Pour en savoir plus sur le film :
Pepa San Martin (née en 1974)
De son vrai nom Maria Jose San Martin, Pepa a été assistante et actrice avant de passer à la réalisation. Elle est homosexuelle et milite pour les droits des LGBT.
Rare (Rara) 2016
Film subtilement militant inspiré d’une histoire vraie, Rara pose la question de l’homoparentalité à travers l’histoire de Sara et Cata, deux sœurs qui vivent chez leur mère Paula et sa compagne Lia et dont le père réclame la garde. Avec subtilité, la réalisatrice évoque le poids de la société à travers le vécu de la fille aînée, qui arrive à l’âge de l’adolescence et des bouleversements. Mariana Loyola, qu’on a pu voir dans La nana de Sebastian Silva, interprète Paula tandis que le rôle de sa compagne est joué par Agustina Muñoz, qui a tourné dans Viola de l’argentin Matias Piñeiro.
Alicia Scherson (née en 1974)
Alicia Scherson a débuté des études de biologie à l’Université Catholique du Chili (PUC) avant de suivre des études de cinéma à Cuba puis à l’Université de l’Illinois à Chicago. Elle fut co-scénariste d’Illusiones opticas de Cristian Jimenez et de Rara de Pepa San Martin. Elle enseigne le scénario à l’école de cinéma de l’Université du Chili.
Play 2005
Premier long-métrage de la réalisatrice, c’est l’itinéraire parallèle de deux habitants de Santiago : il enchaîne les petits malheurs de la vie (rupture sentimentale, vol), elle est Mapuche, travaille comme aide-ménagère et va croiser son chemin par hasard. Play a remporté dix-sept prix dont le prix du public au festival des Trois Continents à Nantes en 2005.
Sebastian Sepulveda (né en 1972)
Durant la dictature, Sebastian Sepulveda a connu l’exil en Europe et au Venezuela avec ses parents qui étaient des militants du MIR. Il a ensuite étudié l’écriture de scénario à la Fémis et le montage à l’école internationale de Cine et TV de San Antonio de los Banos à Cuba, où a également étudié Alicia Scherson.
Les sœurs Quispe (Las ninas Quispe) 2013
S’inspirant d’un évènement qui s’est déroulé durant l’été austral de 1974, un an après le coup d’état de Pinochet, Sepulveda s’attache à la description d’un mode de vie traditionnel qui s’éteint (ou plutôt qu’on achève), sur l’Altiplano chilien, où trois sœurs, des indiennes nomades, conduisent leurs troupeaux de chèvres selon les méthodes ancestrales. Mais le gouvernement de Pinochet, sous prétexte de lutte contre l’érosion, veut interdire le pâturage en montagne et ordonne l’abattage des bêtes. L’histoire des sœurs Quispe avait été mise en scène au théâtre par Juan Radrigan sous le titre « Las Brutas ». Une des sœurs est interprétée par Catalina Saavedra, actrice sur La Nana et sur LesVieux Chats de Silva et Peirano ainsi que sur La mujer de barro de Sergio Castro San Martin ; le rôle de l’aînée est interprété par une nièce des sœurs Quispe. Alfredo Castro, un des acteurs favoris de Pablo Larrain, interprète un des deux rôles masculins. Le directeur de la photographie est Inti Briones (Huacho, Bonsai, etc.) qui a obtenu le prix Fedeora de la meilleure photographie lors de la Biennale de Venise 2013. Le film, produit par la société Fabula des frères Larrain et par la société française Dolce Vita Films, a bénéficié de l’aide du Fonds Sud Cinéma du CNC. Le choix du Cinemascope est motivé par la vastitude des paysages désertiques de la vallée de la Tola dans lesquels se déroule le film, où alternent scènes intimistes en clair-obscur et plans lumineux dans un désert minéral.
Sebastian Silva (né en 1979) et Pedro Peirano (né en 1972)
Les vieux chats (Gatos viejos) 2010
Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit un peu hâtivement par certains critiques, Les Vieux chats n’a rien d’une comédie distrayante : on lorgne plus du côté de Pialat que de Klapisch et le rapprochement fait par certains avec Almodovar n’est que très lointain. C’est une peinture réaliste et cruelle à la fois de la déchéance de l’âge, des rancœurs familiales et de la bassesse humaine. Filmé comme un huis-clos théâtral, le drame, qui se déroule sur une journée, est divisé en trois parties ; la première dépeint de façon très juste, par petites touches, les routines d’un vieux couple aisé vivant dans un appartement confortable de Santiago en compagnie de deux gros chats placides et les petites déchéances de l’âge. La deuxième partie est marquée par l’irruption tonitruante de la fille de la vieille dame, une ratée cocaïnomane qui enchaîne les plans foireux et de sa compagne, formant un duo à la fois antithétique et symétrique du vieux couple. L’affrontement trouve sa conclusion dans la troisième partie qui se déroule à l’extérieur de l’appartement. Le rôle du mari prévenant et rationnel est tenu par Alejandro Sieveking, acteur de théâtre réputé qui jouera ensuite dans El Club de Pablo Larrain et dans El invierno de l’argentin Emiliano Torres ; le rôle de sa compagne sombrant dans la sénilité est tenu par Belgica Castro, grande actrice de théâtre également, qui est aussi son épouse dans la vie. Claudia Celedon, qui interprète la fille indigne (rôle pour lequel elle a été consacrée meilleure actrice au festival de Carthagène en 2011), a également joué au théâtre. Cette distribution est quasiment identique à celle du premier long-métrage de Sebastian Silva (La vide me mata, 2007) et de La Nana, la précédente collaboration de Silva et Peirano. Pedro Peirano est aussi le scénariste de No, sorti en 2012 ; à travers sa société de production Aplaplac, il a créé une émission enfantine pour la télévision chilienne (31 minutos), située quelque part entre rue Sésame et Téléchat, qui connut un grand succès dans les années 2000. Le directeur de la photographie des Vieux chats est Sergio Armstrong, qui a travaillé sur les films de Pablo Larrain (Tony Manero, No, El club, Neruda) et sur La Nana.
Dominga Sotomayor (née en 1986)
Dominga Sotomayor a obtenu un diplôme de l’Université Catholique du Chili en 2017 puis un Master en réalisation à l’ESCAC (Escuela Superior de Cinema y Audiovisuales) de Barcelone. Durant ses études, elle a réalisé plusieurs courts-métrages qui ont alimenté son premier long-métrage sorti en 2012, un road-movie intitulé De Jueves a Domingo. Elle a fondé la société de production Cinestacion (http://www.cinestacion.cl/).
Tarde para morir joven 2018
L’intrigue se déroule en 1990, lorsque le Chili retrouve la démocratie. Loin de la ville, deux adolescents, Sofía et Lucas et une enfant, Clara, membres d’une petite communauté alternative installée au pied des Andes, vivent ensemble l’abandon de l’enfance et doivent affronter un avenir incertain. On comprend que la correspondance avec l’Histoire en marche est sous-jacente. Le film a reçu le Léopard de la meilleure réalisation à Locarno.
Jose Luis Torres Leiva (né en 1975)
Le ciel, la terre et la pluie (El cielo, la tierra y la lluvia) 2008
Le premier long-métrage de fiction de Torres Leiva tourne autour de trois femmes, qui semblent égarées dans le Sud chilien, au milieu d’un paysage sauvage, empli de solitude et de mélancolie. Le directeur de la photographie est Inti Briones.
Pour en savoir plus sur le film :
Vendra la muerte y tendra tus ojos 2019
Dans son dernier long-métrage, le réalisateur met en scène un couple de femmes dont l’une (Ana, interprétée par l’actrice Amparo Noguera) est atteinte d’une maladie à l’issue fatale ; elles se retirent ensemble dans une maison isolée où elles vont progressivement se redécouvrir l’une à l’autre. Le titre est inspiré d’un poème de Cesare Pavese (« la mort viendra et elle aura tes yeux ») que l’écrivain italien laissa sur une table avant de se suicider dans sa chambre d’hôtel à Turin , le 27 août 1950.
Andrés Wood (né en 1965)
Issu d’une famille aisée et conservatrice, Andrés Wood fait des études de sciences économiques à la PUC (Université Catholique de Santiago) avant de suivre des études de cinéma à New York. Il travaille pour la publicité et la télévision, réalise des courts-métrages et un premier long-métrage qui sont bien accueillis dans les festivals où ils sont montrés. Il monte dès 1993 sa propre société de production, Wood Producciones (http://awood.cl/en/). Son épouse, Paz Puga, est la coréalisatrice de la série télévisée pour enfants Tikitiklip. Wood a écrit et réalisé en 2013 une série télévisée sur le meurtre de Carlos Berger -le père du réalisateur German Berger- et de ses co-détenus politiques en 1973.
La buena vida 2008
Inspiré d’histoires réelles, le quatrième long-métrage d’Andrés Wood suit les trajectoires parallèles –et parfois fugitivement croisées- de quatre personnages principaux ordinaires. La première est une jeune mère seule, malade, qui s’enfonce dans la pauvreté et s’essaye à la mendicité puis à la prostitution ; muette tout au long du film, on ignorera son nom jusqu’au bout. La seconde est une employée des services hospitaliers (Teresa, jouée par Aline Küppenheim), qui tente de venir en aide aux prostituées et essaie de les convertir à la prévention des MST ; elle n’a pas de problèmes financiers mais a des difficultés à communiquer avec sa fille Paula, une lycéenne de 15 ans, qui se confie plus volontiers à son ex-mari, Jorge Robson (Alfredo Castro), dont elle envie l’insousciance. Edmundo Tapia Cisternas (Roberto Farias, qui joue dans El Club) est un coiffeur-esthéticien un peu roublard qui habite chez sa mère (interprétée par Belgica Castro), vit à crédit et séduit une employée de banque (Esmeralda, interprétée par Manuela Oyarzun) pour obtenir un prêt. Mario Cortes (joué par Eduardo Paxeco, un des acteurs d’Ilusiones opticas) est un jeune clarinettiste brillant qui a suivi des cours de musique à Berlin et revient au Chili pour intégrer l’orchestre philarmonique de Santiago ; il est recalé aux auditions et intègre la fanfare de la gendarmerie, sans renoncer à ses ambitions artistiques. Le film s’ouvre et se termine sur une noria de bus transportant son flot de travailleurs quotidiens et par un plan fixe sur la ville de Santiago vue à travers une fenêtre aux vitres sales, encombrée de plantes en pot souffreteuses, symbolisant les êtres humains qui tentent de survivre au-dehors. Andrés Wood a obtenu le Goya du meilleur film ibéro-américain en 2009 avec ce film, également récompensé par un Colibri d’or à Marseille. Le directeur de la photographie est Miguel Ioann Littin-Menz, le fils du réalisateur Miguel Littin.
Violeta (Violeta se fue a los cielos) 2011
Adapté de la biographie écrite par Angel Parra, le fils de Violeta Para, le cinquième long-métrage d’Andrés Wood s’attache à la vie de la célèbre chanteuse chilienne, qui s’est suicidée en 1967. A travers un montage parfois déroutant, le film décrit l’enfance pauvre et bohême de Violeta auprès d’un père musicien et alcoolique, son parcours d’artiste itinérante à travers le Chili des années 1950 en compagnie de son frère et de sa sœur, au cours duquel elle recueille les derniers témoignages du patrimoine musical et artistique indigène auquel la sensibilisent ses origines Mapuche. Wood insiste sur les contradictions et les contrastes dans la vie de son héroïne, entre ses succès en Europe (en Pologne puis à Paris) et l’échec de son chapiteau-cabaret au Chili, sur son engagement politique à gauche et sur ses difficultés à assumer son rôle de mère. La focalisation du réalisateur sur l’enfance misérable de Violeta, sur son enracinement dans les classes populaires, son amour passionnel et destructeur pour un homme (le musicien suisse Gilbert Favre) et son rang d’icône nationale évoquent le destin d’Edith Piaf. Le rôle principal est impeccablement tenu par Francisca Gavilan (qui interprète une des sœurs Quispe dans le film de Sebastian Sepulveda). Le directeur de la photo est Miguel Ioan Littin, le fils du réalisateur Miguel Littin. Le film a recueilli le Grand prix du public au festival de Sundance en 2012. Il est coproduit par la société française Margo Cinema (producteur de plusieurs films de Raul Ruiz et d’un film de son épouse, Valeria Sarmiento) et par la compagnie Minera Escondida, propriété de la multinationale minière BHP Billiton.
Pour en savoir plus sur le film :
Pour en savoir plus sur le cinéma chilien :
- Maria José BELLO : Nuevos autores para el cine chileno/Les nouveaux auteurs du cinéma chilien, Cinémas d’Amérique latine, n°17, Presses Universitaires du Midi, 2009, p. 8-11.
- Jacqueline MOUESCA : Cinéma chilien et histoire nationale, Cinémas d’Amérique latine, n°18, Presses Universitaires du Midi, 2010, p. 23-27. ( https://journals.openedition.org/cinelatino/1219)
- André PÂQUET : Résurgence d’un cinéma, 24 images, n°120, 2004, p. 38-39. (https://www.erudit.org/fr/revues/images/2004-n120-images1104852/743ac.pdf)
- Peter H. RIST : Historical Dictionary of South American Cinema. Ed. Rowman & Littlefield, 2014, 760 p.
- Armanda RUEDA : Films latino-américains, festivals français, Caravelle, Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, n°83, 2004, p. 87-104 (https://www.persee.fr/doc/carav_1147-6753_2004_num_83_1_1482)
- Monica VILLAROEL : La voz de los cineastas. Cine e identidad chilena en el umbral del milenio. Editorial Cuarto Propio, 2005, 239 p.
- http://cinelatinoamericano.org/
- https://cinechile.cl/
- http://www.cinechile.cl/crit&estud-370
- https://www.escuelacine.cl/ (site de l’école)
- http://www.r7a.cl/article/las-escuelas-del-nuevo-cine-chileno/ (article sur les écoles de cinéma au Chili)
- https://www.premiosplatino.com/default.aspx (prix Platino)
- https://ficvaldivia.cl/ (site du FICV)